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Sud
Les éleveurs porcins passent à l’action

Des producteurs d’Auvergne, du Limousin et de Midi-Pyrénées se sont mobilisés pour obtenir un prix du porc convenable. Récit d’une action syndicale en deux temps.

Mardi 19 janvier, 10 heures. Quelques palettes brûlent sur le bas côté de la route qui mène à l’abattoir d’Arsac. Un tracteur et une bétaillère sont garés en travers de la route… Nous sommes sur la commune de Sainte-Radegonde près de Rodez, dans l’Aveyron. Depuis cinq heures du matin, une quarantaine de producteurs tiennent le pavé pour protester contre le prix du porc, payé au producteur autour de 1,15 euro le kilo. Alors que le prix de revient oscille entre 1,35 et 1,40 euro en moyenne. Une bonne partie de la matinée, ils ont bloqué les camions sortants des abattoirs. La partie n’était pas gagnée d’avance pour organiser le blocage. « Le désarroi est tel qu’il n’est pas facile de se mobiliser » affirmait Christian Guy, président de la section régionale porcine Auvergne Limousin, la veille de la manifestation. Une trentaine d’éleveurs étaient attendus. Finalement ils sont 45 devant l’abattoir. « Nous devons être en rang pour faire face aux grandes et moyennes surfaces et aux salaisonniers », insiste Christian Guy.

Négociations

L’objectif est double : faire pression sur l’abattoir de la société Porc montagne et la coopérative APO. A l’issue d’une réunion avec des responsables de la coopérative et de la société, les producteurs ont obtenu un accord à 1,8 euro le kilo. « Nous sommes plutôt satisfaits. Mais la grande réunion est prévue pour vendredi » explique Christian Guy. Reste, en effet, à convaincre les autres coopératives. Les responsables de l’APO, de Fipso, de Cyrhio et d’Arcadi ont donc accepté une réunion pour vendredi 22 janvier à la chambre d’agriculture de Rodez avec les représentants des producteurs de porcs.

Vendredi 22 janvier. « Le syndicalisme, c’est d’être capables d’inventer un nouveau schéma de gouvernance au sein de la filière », poursuit Dominique Barrau, secrétaire général de la FNSEA. Les producteurs demandent donc la mise en oeuvre collective d’une « nouvelle façon de travailler le commerce des produits ». Ils ont donc convenu avec les abatteurs d’organiser une réunion dans les quinze jours à l’échelle régionale. « C’est une première étape. Notre priorité est de réfléchir ensemble à une nouvelle façon de travailler ensemble », commente Laurent Noyé, président de la section porcine de la FDSEA de l’Aveyron.

Une production de bassin

Pour les aider dans ce projet, les producteurs ont décidé de solliciter l’administration régionale : « Nous souhaitons que la prochaine loi de modernisation de l’agriculture (LMA) puisse répondre à la problématique de la filière porcine », explique Dominique Barrau. « La LMA doit nous permettre de revaloriser les produits », a poursuivi le responsable national.

L’idée des producteurs installés dans des bassins à faible densité est bien de « se dégager du cadran breton » qui ne correspond pas à leur marché. « La LMA prévoit sur la base des volumes, de la conformité des produits, de la régularité d’approvisionnement, de dégager des indices de prix. Ce serait pour nos bassins de production, une solution », explique Dominique Barrau. « Nous ne représentons pas une production de niche mais bien une production de bassin », argue-t-il.

De même le secrétaire général de la FNSEA et le président de la Fédération nationale porcine, Jean-Michel Serres, ont décidé de rencontrer mercredi 3 février les responsables professionnels des régions à faible densité en production porcine pour « entendre leurs difficultés » et « travailler ensemble à un nouveau schéma de gouvernance au sein de la filière ».

En attendant ces rencontres, les producteurs de porcs veulent « convaincre ». C’est pourquoi certains ont décidé de maintenir la pression en organisant le blocage d’un abattoir chaque semaine, comme celui de Lapalisse dans l’Allier, ce mercredi 27 janvier.

Les producteurs ont convergé de six départements – Cantal, Creuse, Corrèze, Lot, Aveyron et Tarn – pour manifester devant l’abattoir de la SPM et la coopérative APO à Rodez.

« Nous travaillons à perte »

Serge Chaumeil, Sarran en Corrèze. « Nous travaillons à perte avec des prix autour d’1,15 euro. Les grandes et moyennes surfaces ne sont pas les seules responsables. Aujourd’hui les coopératives ne jouent pas le jeu non plus et n’arrivent pas à négocier de prix à la hausse. Les producteurs ont de grandes difficultés de trésorerie. Et il ne sert à rien d’empiler les emprunts les uns sur les autres. Un jour il faut les payer. Depuis l’année 2000, les crises reviennent fréquemment et on n’en voit pas le bout. Peut-être que les circuits courts pourront nous aider à nous en sortir.

En 1981, j’avais un élevage de 42 truies naisseuses, en 1984, j’ai débuté aussi l’engraissement. Avec l’aide de mon frère je suis monté à 140 truies. Aujourd’hui je m’occupe de 100 truies naisseuses et d’un élevage bovin avec 70 vaches allaitantes. Heureusement, pour le porc, le label Limousin nous permet d’avoir un prix de vente de 1,3 à 1,5 euro le kilo. »

Laurent Lavergne, Labathude, Lot. « La situation est difficile : une fois que les charges payées nous n’avons presque plus rien. L’hiver et les fêtes de fin d’année correspondent à la période délicate, le consommateur se dirige moins vers le porc. On sait que le marché est en dent de scie, mais les mauvaises périodes deviennent de plus en plus longues… Les producteurs sont découragés. Beaucoup d’exploitations sont au bord de la faillite. Mes parents avaient commencé dans la filière porcine au cours des années 1970. Ils possédaient entre 20 et 50 truies. Ils en vivaient bien. Moi, avec trois fois plus de têtes de bétail, je galère. Je suis en Gaec avec six autres agriculteurs et l’exploitation tourne avec 150 truies naisseuses."

Jean-Claude Larroque, Lagardiolle, Tarn. « Les prix du porc mettent en danger la filière entière. Le porc est à 6,4 euros le kilo dans les rayons et les producteurs sont payés 1,15 euro. Où va la différence ? Il ne serait pas facile aujourd’hui de conseiller à un jeune de se lancer dans la filière. Cette nuit je me suis levé à 2 h pour être présent devant l’abattoir à Rodez dès 5 h du matin. Il a fallu s’organiser et j’ai distribué une double ration aux porcs hier soir.

Je m’occupe d’une exploitation à 100 % dans la filière porc, avec 450 porcs d’engraissement que je reçois à 8 kg. Avec, en plus, 30 hectares de céréales. »

Jacques Plantecoste, Leucamp, Cantal. « Je suis un peu déçu de la mobilisation, j’ai l’impression qu’il y a de moins en moins de monde. Nous connaissons une crise depuis trois ans. Avec les prix du porc légèrement supérieur à un euros, on ne peut pas faire de projets. La profession vieillit, mais comment attirer les jeunes ? C’est compliqué d’investir des sommes colossales sans avoir la sécurité d’en tirer un revenu, sans garantie de prix. Mais il faut reconnaître que jusqu’à présent, les banques ne nous ont pas lâché. De nouvelles normes d’élevage vont rentrer en application à partir de 2013.

Beaucoup d’élevages sont à taille humaine dans la région. Même si nous ne comptons pas beaucoup, notre économie a besoin de tout le monde. Si nous fermons, toute une filière sera touchée, de l’abattage jusqu’à l’usine qui fabrique de l’aliment. Ce serait dommage, alors que dans la région il existe de nombreuses usines de salaisons. Il serait dommage que les usines importent du porc des Pays-Bas.

Je produis 1 800 porcs par an. Dans quelques années je serai à la retraite, mais je ne suis pas certain que l’exploitation sera reprise. »

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