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Revenir aux sources du développement durable

Avec une sécheresse particulièrement importante en 2018, notamment dans les pays du Nord de l’Europe, d’habitude épargnés, le sujet de la ressource en eau revient sur le devant de la scène. Pour Guillaume Benoit, co-auteur d’un rapport du CGAAER sur Eau, agriculture et changement climatique, il est temps de faire changer les mentalités sur cette thématique qui cristallise les passions.

La Tardes, presque à sec. Septembre 2018.
La Tardes, presque à sec. Septembre 2018.
© HC

« En France, on ne raisonne qu’avec une approche environnementale, il faut revenir aux sources du développement durable », constate Guillaume Benoit, ingénieur des ponts, des eaux et des forêts et membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Invité par l’Association des amis de l’académie d’agriculture (4AF) le 2 octobre, celui-ci a évoqué les problèmes liés à la gestion de l’eau. Car si la sécheresse exceptionnelle de 2018 pose question, un scénario de statu quo dans la politique de l’eau mettrait en péril la compétitivité de l’agriculture française et les services rendus par l’eau, rappelle-t-il en s’appuyant sur un rapport du CGAAER, « Eau, agriculture et changement climatique : statu quo ou anticipation ? » (2017), auquel il a contribué. « En France, l’irrigation a très mauvaise presse », poursuit-il, ce qui entraîne fréquemment le blocage des projets. L’irrigation n’y représente que 1,7 % de l’eau utilisée. La France, territoire d’abondance hydrique, ne stocke que 4,7 % de la lame d’eau, contre 48 % en Espagne, un pays qui manque d’eau. « Pourtant, quand elle est bien menée, l’irrigation est un facteur agroécologique et de durabilité, non un facteur de production », insiste Guillaume Benoit. Or, le réchauffement climatique va entraîner un besoin accru en eau, qui ne sera pas satisfait si rien ne change dans la politique de gestion de l’eau.

Les conséquences du statu quo
Sur le plan économique, les pertes concernant la production agricole pourraient être considérables. Dans le Languedoc par exemple, passé en zone climatique semi-aride au cours des trente dernières années, le chiffre d’affaires de la filière viti-vinicole pourrait être réduit de moitié. Autre illustration, en Lozère, le climat tempéré humide est devenu tempéré méditerranéen, avec une perte de productivité de l’ordre de 11 %. Le coût des calamités agricoles pour raisons climatiques révèle une perte financière de 14 millions d’euros par an pour la ferme Lozère, représentant environ 30 % du revenu agricole moyen par exploitation, dans un département qui vit beaucoup grâce à l’élevage à l’herbe. Sans changement de politique, une nouvelle perte de 20 % du revenu agricole d’ici 10 ans est à envisager, indique le rapport. Toutes les régions françaises seraient concernées par ces impacts, avec des conséquences sur les emplois (chiffrés par exemple à 500 emplois productifs agricoles et industriels par an dans les Hauts-de-France, ou à 50 000 emplois dans le Languedoc en perte cumulée), sur la viabilité des circuits courts dans certaines zones, mais aussi des conséquences environnementales : simplification des paysages (perte de diversité agricole) et perte de biodiversité terrestre (en lien avec une dégradation hydrique des sols), risques de feux et d’inondations accrus…

Les conditions de l’anticipation
Cependant, des solutions existent. Pour développer la ressource en eau, le stockage des excédents hivernaux est une nécessité, mais il est également possible d’améliorer le pompage des cours d’eau abondants et transfert vers des cours d’eau déficitaires, et de réutiliser davantage les eaux usées. Des progrès sont encore possibles en matière d’irrigation, grâce au développement de l’irrigation de précision, ou par la sélection génétique.
L’adaptation des systèmes de culture aux nouvelles conditions climatiques est également une partie de la réponse. Le rapport mentionne également la baisse des débits d’étiage et la meilleure valorisation des produits pour compenser en partie la perte des revenus. Néanmoins, ces solutions ne pourront être mises en œuvre sans un dialogue sociétal renouvelé, qui n’ait pas pour unique but la préservation de l’existant. En ce sens, la sécheresse exceptionnelle de 2018 « peut faire bouger les choses », estime Guillaume Benoit, qui espère que les Assises de l’Eau, mais aussi les Régions, pourront aider à cette rupture conceptuelle. Dans cette approche, il apparaît aussi nécessaire de « reconnaître que les agriculteurs sont les agents du développement durable », ajoute-t-il, car les conséquences économiques d’un manque d’eau sur l’agriculture auront des répercussions sociales et environnementales très importantes.

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