Régulation - Le bras de fer est engagé
Les discussions européennes sur ce que sera la future PAC sont maintenant bien engagées. Les blocs s’affrontent entre régulateurs et les libéraux. Entre les deux, la position de l’Allemagne sera sans doute déterminante.

Ça y est : les grandes manœuvres sont maintenant bien engagées pour la définition de la politique agricole commune (PAC) de l’après 2013. Un bras de fer qui oppose la France et quelques pays d’accord sur les grandes lignes pour une PAC forte à un groupe de pays qui veulent à tout prix une libéralisation du secteur agricole. Le 26 mars, Nicolas Sarkozy obtenait de ses collègues, lors d’un sommet européen, qu’une mention soit faite, dans la « Stratégie 2020 pour l’Union », à la contribution de l’agriculture au développement et à la croissance de l’Europe. Une étape indispensable pour celui qui disait être prêt à « aller à une crise plutôt qu’à accepter le démantèlement de la PAC ».
Libéraux contre régulateurs
Le 29 mars, un conseil des ministres de l’agriculture à Bruxelles permettait d’y voir plus clair dans les blocs qui vont s’affronter au sujet de l’agriculture. Faute de consensus à ce stade sur l’avenir de la PAC, la présidence espagnole de l’UE a dû se contenter, lors de cette réunion, de présenter ses propres conclusions sur la gestion du marché et sur l’amélioration du fonctionnement de la chaîne alimentaire. Sur le premier point, elle n’avait même pas envisagé l’adoption de conclusions par le Conseil, tandis que, sur le second, elle a tenté en vain d’y parvenir. Dans les deux cas, les États membres les plus « libéraux » ont refusé de jouer le jeu. S’agissant des mesures de gestion, les réticences sont venues essentiellement de la Suède, du Danemark, du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l’Estonie, qui sont favorables à une politique encore plus orientée vers le marché. Côté français, on parle de clause de sauvegarde, de régulation, sans préciser outre mesure à ce stade.
Le pouvoir des interprofessions
Sur la chaîne alimentaire, le Royaume-Uni, le Danemark, la Suède et la République tchèque ont jugé que le texte de la présidence allait trop loin en ce qui concerne les pouvoirs des interprofessions, l’élaboration de « contrats standard » entre les différents acteurs et la modification éventuelle des règles de concurrence. À ce sujet, le ministre français, Bruno Le Maire, a rencontré, avant la réunion ministérielle, le commissaire européen à la concurrence, Joaquin Almunia, pour lui proposer des adaptations des règles communautaires à la spécificité du secteur agricole et alimentaire. Cependant, les libéraux n’en démordent pas. « Nous préférons nous conformer aux règles de concurrence plutôt que les changer », a fait valoir le ministre suédois Eskil Erlandsson, qui plaide pour « considérer les agriculteurs comme des entrepreneurs ». Question budget, dont la négociation sera sans doute l’étape cruciale pour la PAC, plusieurs pays européens souhaiteraient réduire fortement la part des dépenses allouées à l’agriculture.
D’autres - Italie, France, Grèce et Autriche notamment - se sont au contraire prononcés lundi en faveur du maintien d’un financement fort pour la PAC. L’Allemagne, de son côté, a jugé ce débat prématuré, soulignant qu’il ne fallait pas préjuger de la discussion sur le budget de l’UE, selon des sources diplomatiques. La position de l’Allemagne, qu’elle se réserve bien d’annoncer trop tôt, sera majeure. La France ne s’y trompe pas.
France-Allemagne : une concertation forte qui prend du temps
Bruno Le Maire a annoncé le 29 mars à Bruxelles que la France et l’Allemagne présenteraient, « d’ici juin », une « contribution conjointe » sur l’avenir de la PAC. Celle-ci a été demandée par le président Nicolas Sarkozy et la chancelière Angela Merkel, a-t-il précisé. Sur ces questions, il y a entre Paris et Berlin une « concertation forte » qui « prend du temps », a également noté le ministre français de l’agriculture devant les journalistes, soulignant les « efforts » entrepris pour permettre d’aboutir à un « accord » entre les deux parties.