Manifestation - Les agriculteurs appellent au secours l'opinion publique et les élus
20 000 agriculteurs dans les rues de Clermont-Ferrand : un nombre à la hauteur de la détresse du monde agricole qui réclame un soutien sans détours de son élevage.

«O n n’y croyait pas ! La mobilisation a dépassé nos espérances ! » Avec la présence de près de 20 000 manifestants, les organisateurs ont accompli leur défi : celui de réunir plus de 10 000 agriculteurs du grand Massif central à la veille de la conférence française sur les revenus, prévue en octobre prochain par le ministre de l’Agriculture.
Clermont- Ferrand,capitale de l’élevage
Venus en cars ou en voiture, les agriculteurs d’une quarantaine de départements du centre de la France ont battu le pavé à l’appel de la Fnsea, de la Frsea, des JA Massif central et des éleveurs de races à viande du grand Massif. D’une même voix, ils ont réclamé un plan d’urgence pour les revenus agricoles et la relance de l’élevage herbager dans le cadre de la révision de la politique agricole commune, aujourd’hui en négociation. « L’herbe a été la grande oubliée dans la réforme de 1992 » a affirmé Jacques Chazalet, président de la Frsea Massif central. Du coup, le revenu des agriculteurs est en berne, il a baissé de 10 % en Auvergne, de 20 % en Limousin, alors qu’il a progressé en moyenne de 17 % au plan français. Une situation d’autant plus insoutenable pour les éleveurs qu’ils doivent aussi composer avec la hausse des charges (énergie, engrais, aliments…) et la progression de l’épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO). D’ailleurs, le président du Berceau des races à Viande du Massif central, Patrick Benézit, s’alarme « du risque de blocage de la zone Massif central cet automne » en raison de l’avancée rapide du sérotype 1 de la maladie.
Revenir à la réalité économique
Tour à tour sur le podium de la place de Jaude à Clermont-Ferrand, les représentants des organisations professionnelles et syndicales Fnsea-JA ont dénoncé la volonté de Bruxelles de vouloir concéder le démantèlement des outils de régulation de marché et le découplage des aides. Arguant que le contexte mondial avait changé et que la Pac ne correspondait plus du tout à la réalité économique du moment, ils se sont prononcés pour une réorientation des soutiens directs vers l’élevage, tout en optant pour une flexibilité au niveau européen. La Frsea demande principalement que les aides à l’herbe deviennent des aides « économiques » favorisant la rentabilité de la production. « L’urgence est de mise car la situation des éleveurs n’attendra pas 2010 » ont prévenu les représentants professionnels. Et s’adressant aux nombreux élus qui avaient pris part au cortège, ils ont appelé à « la responsabilité des décideurs » pour agir vite en faveur d’un soutien massif des élevages du Massif central et de leurs revenus. « Nous demandons au président de la République que l’élevage soit encore debout demain, au service du pays et de l’indépendance alimentaire » a clamé Patrick Bénézit.

Editorial de Jacques Chazalet
« Grande victoire pour la légitimité de notre combat »
La 16 septembre est une date qui marquera l’histoire du syndicalisme agricole. Celle où près de 20 000 agriculteurs du Massif central ont convergé vers Clermont-Ferrand pour manifester leur désarroi et défendre leurs revenus. Cette mobilisation de masse à laquelle se sont associés spontanément les organisations professionnelles économiques et de services, des élus, des citoyens et des politiques confirme toute la légitimité de notre combat. Elle nous encourage aujourd’hui à poursuivre notre action en faveur des productions herbagères et d’une refondation de la Politique agricole commune. Certes, tout ne va pas changer d’un seul coup avec le bilan de santé de la Pac, c’est pourquoi nos revendications s’inscrivent aussi dans le débat sur l’après 2013. Il appartient maintenant au gouvernement de prendre ses responsabilités et de mettre en place rapidement un plan d’urgence en faveur des éleveurs. Car l’attente est forte ! Les disparités de revenus entre régions et secteurs de production sont trop importantes. Il est urgent d’envisager une Pac qui corresponde à la situation des marchés et à la réalité économique. C’est le gage d’un retour à l’équilibre des revenus donnant les moyens aux producteurs de vivre dignement de leur métier et d’avoir des entreprises rentables. Les éleveurs du Massif central n’attendront pas une année de plus. Il en va de la survie de nos élevages et de l’équilibre de nos territoires. Au nom de la FRSEA Massif central et de toutes les organisations qui ont soutenu cette manifestation et qui défendent nos revendications, je vous remercie de votre mobilisation. Le prix de notre unité syndicale est aujourd’hui entre les mains de la Fnsea qui devra prendre en compte les attentes du Massif central.
Ils ont dit
Michel Queille, éleveur en Corrèze et président des JA Massif central
« Nos pouvoirs publics ont le ventre plein, mais semblent avoir la tête vide, en bradant de la sorte notre agriculture. Il est impératif que nos gouvernants soutiennent la compétitivité de nos produits, car notre activité agricole comporte une dimension sociale et territoriale à préserver en Europe. Le peuple ne se nourrit pas de kilos de Boeing, ni de kilos de téléphone portable, mais bien de kilos de blé, de viande, de lait, de fruits…et sans une PAC plus juste, l’agriculture est condamnée. Il est temps aujourd’hui de passer à l’action ».
Dominique Barrau, éleveur dans l’Aveyron, secrétaire général de la FNSEA
« Au-delà des éleveurs, ce sont tous nos territoires d’élevage qui se sont mobilisés à Clermont-Ferrand. Nous sommes venus dire ici que nos zones avaient besoin d’agriculteurs pour pouvoir vivre demain. Au fil des réformes, on nous a construit des cahiers des charges de plus en plus contraignants et intenables, et on ne m’empêchera pas de penser que certains veulent faire de nos régions de grandes aires de loisirs. Par notre mobilisation, nous démontrons notre volonté de conserver nos territoires vivants, grâce à une agriculture dynamique ».
Bruno Ledru, éleveur en Seine-Maritime, vice-président des JA
« Les jeunes agriculteurs prônent un rééquilibrage des aides de la PAC, à condition qu’elles soient flexibles. Ce que nous réclamons, au niveau des jeunes, ce sont de vrais filets de sécurité, qui nous permettent de vivre décemment de notre métier ».