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Les achats de terres dans les pays en développement
Mettre de la morale dans les affaires

Un rapport préconise d’établir un code de bonne conduite pour les achats de terres dans les pays en voie de développement.

Des femmes désherbent un champ dans une ferme de la région de Dodoma, en Tanzanie.
Des femmes désherbent un champ dans une ferme de la région de Dodoma, en Tanzanie.
© Nations Unies

« Quinze à 20 millions d’hectares de terres auraient été acquises par des investisseurs étrangers dans les pays en développement entre 2006 et 2009 », observe Vincent Chriqui, directeur général du Centre d’analyse stratégique. Cette surface représente certes l’équivalent de la surface agricole utile française, mais seulement 1 % des terres cultivées au niveau mondial. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une tendance lourde et suffisamment préoccupante pour que Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’Etat à la Prospective et à l’économie numérique ait confié une mission au Centre d’analyse stratégique, la structure qui a remplacé le Plan auprès du Premier ministre, sur « les cessions d’actifs agricoles à des investisseurs étrangers dans les pays en développement ». Présidée par Michel Clavé, directeur de l’agriculture et de l’agroalimentaire au Crédit agricole, cette mission a associé soixante-dix personnalités venues d’horizons très différents et issues de l’expertise, de la recherche, de l’administration, de l’agroalimentaire, etc.

 

De plus en plus, des pays très peuplés comme la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Egypte, mais qui n’ont pas suffisamment de terres nourricières ou qui disposent de ressources insuffisantes, comme les Etats du Golfe arabique, cherchent à acheter ou à louer des terres pour assurer la sécurité de leur approvisionnement alimentaire. Ils prospectent surtout en Afrique qui dispose de vastes étendues de territoires souvent inexploités. Le Cameroun, l’Ethiopie, le Congo, le Ghana, Madagascar, le Soudan, la Tanzanie, la Zambie, le Mali, la Somalie en sont les principaux pays cibles. Mais aussi l’Asie du Sud-Est comme l’Indonésie et les Philippines et les pays d’Europe centrale et orientale, Ukraine, Russie, Kazakhstan, etc. L’Amérique du Sud étant moins concernée avec seulement 10 % des projets d’implantation.

 

Un besoin massif d’investissements

Initiées par des Etats et des fonds souverains, voire par des entreprises privées, ces implantations ne sont pas innocentes. Mal préparées et mal conduites, elles peuvent en effet entraîner de graves dommages sociaux et environnementaux ainsi qu’une paupérisation d’une partie de la population rurale et contrevenir à la sécurité alimentaire du pays hôte, ainsi que le rappelait Nathalie Kosciusko-Morizet.

 

Faudrait-il les interdire ? Le rapport répond par la négative. « Un apport massif de capital dans les filières agricoles des pays du Sud est indispensable pour nourrir huit milliards d’êtres humains en 2030 », répond Vincent Chriqui. Et certainement plus de 9 milliards en 2050. La production alimentaire devrait augmenter de 70 % pour nourrir l’humanité au milieu du siècle. Or la part des financements publics consacrés à l’agriculture a diminué dans la majorité des pays en voie de développement. Les soutiens au développement agraire de la Banque mondiale et des banques régionales se sont également amoindris depuis vingt ans. Leur part dans l’aide au développement est passée de 17 % à 3 %, tandis que la FAO a vu son budget diminuer de 30 % depuis 1994…

 

Un label Agro Investissement Responsable

« Les investissements en agriculture pour résoudre la faim dans les 20 ans qui viennent ne peuvent plus attendre. Il faut commencer aujourd’hui pour avoir des réponses dans vingt ans », plaide Michel Clavé. C’est la raison pour laquelle ces implantations si elles doivent être encouragées, doivent surtout être moralisées. Et le rapport de formuler une série de recommandations. L’une d’entre elles vise à responsabiliser les investisseurs. L’idée serait de créer un label Agro Investissement Responsable qui serait attribué par l’Union européenne à des investisseurs qui s’engageraient dans un code de bonne conduite. Ce qui n’empêcherait pas Français et Européens de s’efforcer d’inscrire ces préceptes dans le cadre plus vaste des enceintes internationales (Banque mondiale, FAO, OCDE, etc.). Quant aux institutions financières et aux fonds souverains, ils devraient appliquer les principes du développement durable lorsqu’ils participent au financement de cessions d’actifs. De même l’inscription dans les règles du commerce international de la mise en place pour les pays les moins avancés (PMA) de préférences spécifiques pour l’agriculture favoriserait le développement de la production agricole. Comme la possibilité de créer des unions régionales des pays les moins avancées, à l’image de ce qu’a réalisé l’Europe dans les années 60, pour stimuler le développement de la production agricole. Ce qui renvoie aux négociations de l’OMC.

L’exemple de la Fondation Aga Khan

 

La Fondation de l’Aga Khan pour le développement économique gère depuis une quarantaine d’années une production massive de haricots verts extra fins sur les plateaux kenyans. Chaque année, 15 000 millions de tonnes de haricots sont produits, conditionnés et exportés vers l’Europe. L’entreprise a créé un bassin d’emploi : sa production repose sur des partenariats avec près de 60 000 petits exploitants et emploie quelque 3 000 ouvriers en usine. Le prix de vente de la production est contractualisé à l’avance entre les clients européens et les fournisseurs kényans. De ce fait la récolte n’est pas directement valorisée sur les marchés internationaux et échappe ainsi aux impacts d’une éventuelle volatilité des cours. Grâce à ce modèle économique, les acheteurs européens achètent les haricots à un prix compétitif grâce aux avantages comparatifs dont jouit le Kenya (climat, coût de la main d’œuvre notamment), l’intégration d’une bonne partie de la filière (production, transformation, stockage, etc.) et un volume de production important. De leur côté, les agriculteurs kényans y trouvent une garantie de revenu associé à un accès aux intrants, une formation agronomique et une assistance technique. De plus la Fondation Aga Khan requiert de ses fournisseurs qu’ils consacrent plus de 75 % de leurs terres à des cultures vivrières, si bien que ce modèle permet à la fois d’exporter la production principale de l’entreprise, tout en favorisant le développement de l’agriculture locale.

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