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Bruno Dufayet : « Proposons des prix et rassemblons‑nous pour mieux peser »

Bruno Dufayet, président de la FNB, est éleveur dans le Cantal.
Bruno Dufayet, président de la FNB, est éleveur dans le Cantal.
© SC

Alors que le congrès de la Fédération nationale bovine s’ouvrira le 5 février prochain à Anse dans le Rhône, son président persiste et signe : la filière doit jouer grouper et s’emparer rapidement des outils obtenus dans le cadre de la loi Egalim. À la clé, des prix au diapason des coûts de production.

En dépit d’une consommation qui se tient, d’un recul de la production, et d’exportations qui progressent, les prix payés aux éleveurs ne sont pas à la hauteur. Comment l’expliquez-vous ?
En effet, sur ces dernières années, la consommation se maintient en France, et la reconquête du marché de la restauration hors-domicile (RHD) est en bonne voie avec 48 % de viande bovine française en 2017 contre 34 % en 2014. Par ailleurs, le marché italien pour le maigre reste porteur, tandis que la France a toutes les cartes en main pour développer des volumes à l’export sur pays-tiers, en Chine mais aussi ailleurs. Malgré ce tableau plutôt engageant, les prix payés aux producteurs ne bougent pas, pire, dans certaines catégories ils sont en repli. En moyenne et toutes catégories confondues, on enregistre des prix d’entrée abattoir à 3,60 €/kg, payé 3,45 €/kg à l’éleveur, pour un coût de production qui a encore augmenté à 4,89 € ! Autrement dit, à chaque kilo de carcasse vendu, un éleveur de bovins allaitants perd 1,44 €. Nous sommes arrivés au bout d’un système, qui à force de considérer les éleveurs comme la seule variable d’ajustement, hypothèque notre capacité de production. Ces dernières années, la décapitalisation du cheptel allaitant s’est accélérée de manière très inquiétante. En trois ans, nous avons perdu 5 % de notre cheptel, soit en volume 183 000 têtes. À échelle d’hommes, c’est ni plus ni moins qu’un plan social de 1 200 éleveurs par an.

Comment leur redonner confiance ?
D’abord par le prix mais aussi par un cap clair y compris de nos gouvernants. Il est grand temps de mettre à jour le logiciel de la filière bovine. La désorganisation de la filière avec face à elle un seul acteur ultradominant (ndlr : le groupe Bigard) n’a fait que nous desservir. Il persiste une concurrence entre les organisations de producteurs : plutôt que de défendre les prix, la logique reste de capter le marché pour arriver tout juste à survivre. Il est grand temps que les choses changent, la filière doit jouer collectif, d’autant que la loi Egalim a ouvert des perspectives inédites pour un meilleure équilibre dans les relations commerciales. Un plan de filière interprofessionnel a été adopté au sein d’Interbev. Il prévoit entre autres la contractualisation sur la base des coûts de production, de porter l’origine France en RHD à 80 %, et de renforcer les résultats à l’export pays-tiers.

Malgré l’adoption de ce plan de filière, les actions concrètes paraissent timides, puisque seulement 1 % de la filière bovins-viande pratiquerait la contractualisation. Comment allez plus loin ?
Ce qui bloque, par rapport au lait par exemple, ce sont les habitudes de fonctionnement de la filière. Quand les habitudes ne sont pas bonnes, il faut les faire évoluer. C’est pourquoi, nous enjoignons toutes les organisations de producteurs à utiliser les outils mis en place par la loi Egalim. Le dispositif de « prix abusivement bas » par exemple est un levier important. Mais, cette clause ne vaut que s’il y a une proposition de contrat faite à l’acheteur de l’OP comprenant l’indicateur de coût de production interprofessionnel, ainsi qu’un engagement ferme portant sur les volumes prévisionnels, exprimés en têtes d’animaux ou carcasses entières. Il faut donc que les organisations de producteurs proposent des prix à leur acheteur. Parallèlement, la soixantaine d’OP commerciales et la trentaine d’OP non-commerciales doivent collaborer davantage en constituant une association d’OP (AOP). Notre objectif c’est qu’au salon de l’agriculture, fin février, on soit dans une logique de création d’une association d’organisations de producteurs pour réussir à jouer collectif et ainsi imposer des prix rémunérateurs aux éleveurs, face aux acteurs de l’aval de la filière.

Quel poids pourrait avoir cette AOP ?
Les possibilités offertes aux AOP ont été renforcées par le règlement européen Omnibus et pourraient l’être à nouveau dans la prochaine Pac, avec l’extension des programmes opérationnels à de nouvelles filières (après les fruits et légumes et la vigne). En clair, les OP et AOP agréées intégrant au moins une activité économique menée en commun pourront planifier la production, optimiser les coûts de production, mettre sur le marché et négocier des contrats concernant l’offre de produits agricoles, au nom de leurs membres, pour tout ou partie de leur production totale et ce, sans craindre de se voir reprocher une quelconque entente anticoncurrentielle.

Cet été, l’adoption par les parlementaires français de l’accord sur le CETA a finit d’agacer les éleveurs. Six mois après, où en sommes-nous ? Le Sénat peut-il bloquer cette ratification ?
+ 336 %. C’est l’augmentation des importations de viandes bovines canadiennes par l’UE, depuis le début de l’application provisoire du CETA en 2017. Autant dire que si l’accord était ratifié, il ne faudrait pas s’attendre qu’à un tout petit steak de 100 g/an/habitant comme le répètent à l’envi les élus de la majorité. Non, il y a un vrai danger, comme avec le Mercosur, y compris, sur le volet sanitaire avec l’utilisation par les éleveurs canadiens de nombreuses substances interdites depuis longtemps en Europe. Et que dire de l’utilisation des farines animales dans les exploitations canadiennes agréées pour l’export vers l’UE qui ne fera l’objet d’aucun contrôle de la part de l’UE... puisqu’il s’agit d’une pratique qui n’est pas interdite. Ce traité est une aberration à l’heure où l’on exige des éleveurs français une régulière montée en gamme. Nous espérons que lorsque le texte arrivera devant les sénateurs, ils le rejetteront.

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